• Vous avez l'air heureuse

     

    Listening to : Close to you - Carpenters

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    Elle arrive  sur le quai dans sa polaire rose fushia, chaussures de sport aux pieds et sac plastiques à bout de bras. Elle a trouvé une interlocutrice à laquelle elle s’accroche alors que celle-ci ne semble lui porter que peu d’attention. Elles s’assoient à côté de moi, acceptant le siège qu’un homme lui propose. Il n’aura pour seul remerciement qu’un coup d’œil méfiant.

    Elle parle, elle parle, comme si elle avait peur du silence cotonneux du matin qui s’installe autour de nous. Les mots s’enchainent entrecoupés de soupirs et de phrases qui se perdent dans la brume. Je ne sais pas où vagabondent ses pensées, ce qui est certain c’est qu’elles s’en vont bien au-delà des banalités évoquées sur le train qui s’arrête devant nous.

    Lorsque je rentre dans le wagon, je sais déjà que c’est à côté de moi qu’elle décidera de s’assoir.

    Elle doit avoir 70 ans, elle en fait 60, sous son air bougon se cachent quelques sourires. Elle fait machinalement tourner l’alliance sur son doigt trop maigre.

    Vous avez l'air heureuse

    Il est évident qu’elle n’a pas pour habitude de s’embarrasser des conventions, des mots utilisés pour ne rien dire. Son regard se tourne vers moi, elle attend que je dise quelque chose. Alors je lui parle de mon travail que j’aime et la chance que j’ai de travailler avec quelqu’un de bienveillant au quotidien.

    Elle s’impatiente, c’est à son tour de parler, de me dire qu’elle connait un stagiaire qui est obligé de faire 20 minutes de voiture pour aller travailler alors qu’il ne sera pas payé et n’aura aucune compensation à l’issue de son stage. Qu’ils sont quatre dans ce cas-là, dans une enseigne de prêt à porter, mais heureusement on leur prêtait une voiture pour faire des allers retours.

    « C’est fou le marché du travail de nos jours, je ne comprends pas, ils vous demandent de l’expérience que vous ne pouvez pas avoir si tout le monde raisonne comme eux. J’en ai vu défiler des stagiaires, découragés par cet état de chose. »

    Elle jette un regard timide vers moi et s’exclame : « Vous avez l’air heureuse. »

    Le temps s’arrête quelques secondes pour reprendre brusquement, c’est son arrêt, elle se lève brusquement.

    Elle se retourne, pose sa main doucement sur mon bras.

     

    « Bon courage dans la vie, vous y arriverez, vous savez », me dit-elle droit dans les yeux.

    « Le funambuleLes paumes ouvertes »

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  • Commentaires

    1
    Minouche
    Vendredi 30 Septembre 2016 à 19:58

    Qu'il est bon de trouver une oreille attentive et un regard bienveillant ... Jolie rencontre emplie d'humanité... C'est sûr que tu y arriveras dans la vie... Tous les possibles sont là devant toi yes ...

     

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