• Listening to : The Wolves - Bon Iver 

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    J’étends ton souffle et tes rires enfouis, les millions de promesses que tes yeux murmurent. 

    Tes petites mimiques quand tu es rongé par la culpabilité, tes sourires d’enfant malicieux, ton pas lourd de responsabilité que tu tairas souvent pour n’en garder que l’éclat des jours heureux.

    Il m’a semblé que tu soufflais plus d’une fois sur les doutes qui se cachaient derrière mes paupières. Doucement, écarté les bribes d’un passé tumultueux qui ne cessait de frapper à notre porte les jours de pluie.

    Quand je te vois je sais que je virevolte déjà, les bras face à la brise si légère. Prêts à tout accepter, même le gris des nuages, les pleurs des oiseaux moqueurs, même les « non » de la tête, les cris logés sous mes côtes. Même les promesses non tenues, même l’embrasement de nos cœurs si jeunes, même les jours où on se bouchera les oreilles très fort, trop fort, pour ne plus entendre nos besoins d’amour intense et le silence de nos vieux jours.

    Les paumes ouvertes

    Enlacée dans une routine qui cherche ta main chaude pour ne plus me perdre, les jours passent si vite.

    Où étais-tu avant ?

    J’ai rassemblé tous les morceaux de moi perdus en chemin, j’ai touché le désespoir du bout des doigts, tout près des rêves cachés dans la grande armoire des regrets, ceux qu’on plie en tout petit pour les garder toujours proches mais loin du regard. Si j’avais su que toutes ces années tu les ramassais avec soin, tu les ranimais du mieux que tu pouvais, si j’avais su, je me serais retournée, je t’aurais aperçu, je t’aurais dit bonjour en agitant les bras comme une forcenée, pour être sûre que tu ne me loupes pas, tu aurais levé ton regard timidement d’abord puis plus assuré, tu m’aurais dit allez, viens, je t’emmène avec moi, l’univers qu’il t’offre ne vaut pas le coup, tu sais.

    Les paumes ouvertes

     

    Mais à la place tu as attendu, déployant mille et un trésors de patience.

    Et quand j’ai enfin sauvé ma peau, tu m’as simplement serrée dans tes bras, tu m’as dit que tout irait bien parce qu’on était deux et qu’au fond, c’était tout ce qui comptait, que tu te battrais quand je n’en ai plus la force, que tu m’aimeras quoi qu’il arrive. Que tu me donnerais l’élan nécessaire pour avancer sans jamais le faire à ma place.

     

    C’est donc ça aimer : l’équilibre paradoxal entre deux êtres qui ne peuvent vivre séparés mais qui s’offrent à chaque moment la liberté exquise d’être entièrement eux-mêmes, dans la peine comme dans la joie.


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    Listening to : Close to you - Carpenters

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    Elle arrive  sur le quai dans sa polaire rose fushia, chaussures de sport aux pieds et sac plastiques à bout de bras. Elle a trouvé une interlocutrice à laquelle elle s’accroche alors que celle-ci ne semble lui porter que peu d’attention. Elles s’assoient à côté de moi, acceptant le siège qu’un homme lui propose. Il n’aura pour seul remerciement qu’un coup d’œil méfiant.

    Elle parle, elle parle, comme si elle avait peur du silence cotonneux du matin qui s’installe autour de nous. Les mots s’enchainent entrecoupés de soupirs et de phrases qui se perdent dans la brume. Je ne sais pas où vagabondent ses pensées, ce qui est certain c’est qu’elles s’en vont bien au-delà des banalités évoquées sur le train qui s’arrête devant nous.

    Lorsque je rentre dans le wagon, je sais déjà que c’est à côté de moi qu’elle décidera de s’assoir.

    Elle doit avoir 70 ans, elle en fait 60, sous son air bougon se cachent quelques sourires. Elle fait machinalement tourner l’alliance sur son doigt trop maigre.

    Vous avez l'air heureuse

    Il est évident qu’elle n’a pas pour habitude de s’embarrasser des conventions, des mots utilisés pour ne rien dire. Son regard se tourne vers moi, elle attend que je dise quelque chose. Alors je lui parle de mon travail que j’aime et la chance que j’ai de travailler avec quelqu’un de bienveillant au quotidien.

    Elle s’impatiente, c’est à son tour de parler, de me dire qu’elle connait un stagiaire qui est obligé de faire 20 minutes de voiture pour aller travailler alors qu’il ne sera pas payé et n’aura aucune compensation à l’issue de son stage. Qu’ils sont quatre dans ce cas-là, dans une enseigne de prêt à porter, mais heureusement on leur prêtait une voiture pour faire des allers retours.

    « C’est fou le marché du travail de nos jours, je ne comprends pas, ils vous demandent de l’expérience que vous ne pouvez pas avoir si tout le monde raisonne comme eux. J’en ai vu défiler des stagiaires, découragés par cet état de chose. »

    Elle jette un regard timide vers moi et s’exclame : « Vous avez l’air heureuse. »

    Le temps s’arrête quelques secondes pour reprendre brusquement, c’est son arrêt, elle se lève brusquement.

    Elle se retourne, pose sa main doucement sur mon bras.

     

    « Bon courage dans la vie, vous y arriverez, vous savez », me dit-elle droit dans les yeux.


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  • Listening to : Song for Jesse - Nick Cave ft. Warren Ellis

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    J’ai la particularité d’avancer assez régulièrement à reculons.

    Je ne manque pas d’idées pour m’épanouir et trouver un sens à ma vie (si on peut réellement en avoir un bien sûr).

    Je me vois travailler dans mille et un domaines, tant dans un milieu artistique que social, en étant dans l’excitation la plus totale à chaque fois.

     

    Le funambule

     

     

    Je crois que je parviens aujourd’hui à mettre des mots sur cette instabilité.

    Je chéris plus l’idée d’un projet que sa réalisation même.

    Je prends ma dose de soulagement au moment où je peux me répéter que je n’ai plus à me sentir perdue, je sais ce que je veux faire dans les prochaines années, les prochaines décennies voire même avant de mourir.

    On nous fait croire que tout le but d’une vie se résume à y trouver un but, justement.

    Mes yeux d’enfant conçoivent un rêve à suivre, je l’imagine, j’en parle autour de moi, je fais des réserves d’admiration et de fierté présentes dans le regard de mes proches. C’est jolie, je ne sers plus à rien et je peux rentrer dans la petite case que je me suis moi-même conçue.

    Comme tout nouveau jouet rejeté par lassitude, je range mon projet soigneusement, je le contemple et l’oublie sans émoi.

    Je comprends aujourd’hui que cette vision de l’avenir est abstraite.

     

    Vivre c’est suivre des opportunités en provoquant sa chance mais en gardant toujours à l’esprit que rien ne se passe comme on se l’imagine, que le temps passera sans nous attendre et que toute la beauté du moment présent réside dans le fait qu’il est éphémère et imprévisible.


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    Listening to : Watching you sleep - Thomas Enhco

    Il est encore tôt ici. Normalement à cette heure-là, je suis la première sur le quai et je m’installe sur un banc, le même à chaque fois. Mais aujourd’hui, beaucoup de gens sont  là et ma place est occupée. Je commence à lire debout puis décide finalement de m’assoir.

    -                                                  -  Le train n’était pas à 30 ? , me demande la femme à côté de moi de sa voix éraillée et grave.

    -          Non, je pense qu’il n’est pas passé, il est dans une heure, je suis désolée.

    J’allais regagner ma lecture lorsque je croise son regard abîmé par la vie. Je comprends à ce moment-là que sa question n’était qu’un prétexte pour engager une discussion.

    Je pose alors mon livre et la regarde attentivement. Il n’en fallait pas plus pour que les langues se délient.

     

     

    On n’a pas toujours la chance d’avoir quelqu’un à qui parler

     

     

    Elle a des reflets bleus dans ses cheveux grisonnant et une frange coupée de travers. Tenant son caddie dans une main et un mouchoir sale dans l’autre, elle semble se noyer dans les multiples pulls qui la recouvrent. Elle m’explique qu’elle vient de passer deux jours chez une amie. Et puis c’est dommage qu’il fasse moche comme ça, mais on moins il ne fait pas froid. Qu’elle acheté le journal d’hier pour se tenir informée sur la météo. Elle le sort fièrement, tourne les pages sans les regarder.

    Elle est en colère contre sa belle-fille. « Elle s’habille court, en plus » s’exclame-t-elle. Je finis par comprendre que ce n’est pas la longueur des vêtements qui la choque mais tout ce qu’ils ne cachent pas : son corps maigre, malade, ravagé par l’alcool et la cigarette. « Deux paquets par jour, tu te rends compte ! Et dans l’appartement avec les enfants en plus », crie-t-elle presque face à moi. Et puis son fils a divorcé, mais chez eux, ils n’acceptent pas le divorce, ils tiennent aux valeurs du mariage. Il vient de perdre son emploi et joue tout ce qui lui reste dans les tickets à gratter. Il faudrait qu’il ait une voiture mais « on n’a pas les moyens de nos jours tu sais ». Elle fait une pause et reprend : « Tous mes petits enfants sont avec elle et moi je pourrais les avoir avec moi mais je dois attendre encore plusieurs années avant d’avoir un logement plus grand. » Elle les aime beaucoup, énormément, mais elle refuse de venir les voir, par jalousie envers celle qu’elle considérait comme sa fille. Elle en a pleuré, m’assure-t-elle, elle a même commencé à boire au début.

    Tout au long de son récit je n’ai pas mon mot à dire, elle parle vite, de façon un peu confuse. Elle s’assure simplement que je l’écoute et je le lui fais savoir en hochant la tête de temps en temps.

    Ils sont ses petits-enfants et elle est très fière d’eux. Elle a soigneusement emballé chacun de leur cadeau d’anniversaire, ils sont rangés chez elle en attendant. Aujourd’hui c’est la plus petite qui fête ses 5 ans et elle n’a pas pu lui souhaiter. « Elle m’a dit qu’elle le lui dirait mais je n’en suis pas sûre, tu sais ». 

    Elle aborde finalement le cœur du sujet alors que le train s’arrête bientôt à son arrêt. Ça lui coûte mais elle a besoin de le dire à voix haute semble-t-il. Elle tourne autour du sujet puis colle son mouchoir à sa bouche comme pour couvrir ses confidences.

    -          Moi, j’ai perdu mon compagnon, le père de mon fils. Et puis un ami avec qui je sortais souvent, et d’autres que je connaissais bien. Ah et puis tu sais, mon fils a perdu un ami aussi. Je ne lui en veux pas de jouer ou de fumer, nous on n’a pas autre chose pour tenir.

    -          C’est une façon de compenser en fait.

    -          Exactement. Compenser, c’est exactement ça.

    Elle détourne son regard et se lève doucement, tirant son caddie à bout de bras. Elle recommence soudainement à me vouvoyer. « Vous n’êtes pas seule quand vous rentrez chez vous au moins ? » s’inquiète-t-elle. Je suis entourée de mes proches. « Vous avez de la chance, vous savez. On n’a pas toujours la chance d’avoir quelqu’un à qui parler. Bon courage. », finit-elle par me dire.

     

    Et elle s’en va comme elle est venue.


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  • Listening to : Daydreaming - Dark Dark Dark

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    Un jour, la timidité s’estompe.

    Jamais totalement, certes, mais on fait un pas, un tout petit pas et on se retrouve face à l’envie de donner un pan de ses pensées au monde qui nous entoure.

     

    Daydreaming - Dark Dark Dark

     

    J’hésite depuis longtemps à me lancer dans la blogosphère, paralysée par la peur de m’exposer face à des inconnu(e)s tant il est déjà compliqué de s’exprimer devant des proches.

    Mais, voilà, je déborde d’émotions compliquées, très fortes, parfois contraires, coincée à mi-chemin entre mon armure de déceptions humaines et l'hypersensibilité qui régit mon quotidien.

    Il est possible que personne ne lise ce que j’écris ici mais il m’importe plus de créer un univers doux et reposant, qui se prendra sûrement la tête de temps en temps, bousculant les barrières sentimentales que l’on se met tous un peu.

    Un espace protégé qui me poussera, paradoxalement, à dépasser mes limites personnelles.

     

    Et ça me semble plutôt chouette.


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